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Stage AIESEC en Afghanistan, été 2010
Stage AIESEC en Afghanistan, été 2010
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26 juillet 2010

Journée dans le Panshir, 23 Juillet 2010

Hier vendredi 23 juillet départ en voiture de Kaboul pour trois heures de route pour atteindre la vallée d’où vient Massoud, le Panshir.

 

Shoaib, chez qui j’ai été accueillie les premiers jours, m’a présenté il y a deux semaines un cousin, Bachir. Ayant fui à l’âge de dix ans l’avancée des Russes, sa famille est partie vivre en Suisse. Il est revenu il y a quatre ans. Dans sa bande, Daoud qui vit avec lui pour quelque temps, Farid, et Javed qui travaille avec lui (un autre Javed, pas mon patron).

La semaine dernière, nous étions allés dans le jardin de sa famille au-delà du lac, dans le Parwan. Hier expédition dernière minute dans le Panshir avec toute la bande. Le départ le matin s’est fait assez tard, on va chercher des gens à droite à gauche dans la ville. Au final, nous sommes trois voitures et nous partons un peu avant onze heures.

Nous traversons une plaine avec « l’autoroute du Nord » qui est absolument parfaite, rien à voir avec les sentiers de centre-ville. Après avoir passé plusieurs villages, nous nous engouffrons dans la montagne par un petit passage où coule un torrent. Avant l’entrée dans la vallée, un poste de gardes nous arrête et ils prennent mon nom. Juste après le check point, une pancarte avec le portrait de Massoud.

Le passage est très étroit, mais apparemment c’est une route très fréquentée et de bonne qualité, même si j’ai un peu peur dès que la vitesse augmente. Tu dérapes et les carottes sont cuites. Au dessus, des pentes rocailleuses qui se referment sur nous. Il y a juste la place pour le torrent et la route. Quelques personnes prennent le risque de pécher sur le rebord et je vois deux ou trois passages qui se font par nacelle pour rejoindre l’autre rive. Les deux questions que je me pose sont : 1. Qui le premier a réussi à tendre le câble de l’autre côté. 2. À part pêcher, pourquoi ? Il y a à peine la place pour se tenir vaguement debout sur le bord tellement la pente est ardue et parait infranchissable.

Une fois le passage étroit passé, nous débouchons sur une verte vallée. Et mes amis je vous dis, je commence à penser de plus en plus que ce pays et l’égal du jardin d’Eden et pourrait l’être quasiment s’il n’y avait pas des cadavres de tanks et des toits en culots de roquettes.

Le paysage et juste plus extraordinaire après chaque recoin de route. On ne voit pas tant de portraits de Massoud que ça.

Les bureaux de la région ressemblent plus à des baraquements de l’armée. Nous croisons aussi un village entier détruit par les Russes. On dirait un village fantôme et la vue est saisissante. (Voir photos). Je ne sais pas si les mots peuvent vraiment décrire la vue et les montagnes. Juste, c’est beau !

Un pan de montagne s’avance dans la vallée et bouche la vue sur ce qu’il y a derrière. Sur le sommet, la tombe du commandant Massoud. Je dois dire qu’ici, il est soit vénéré soit très controversé. En France on lui voue un culte de combattant pour la justice. Ici pas tout le temps. J’essaye de me faire ma propre idée, mais les avis divergents.

Du projet de mausolée il n’y a pour l’instant que la coupole qui abrite son corps, mais tout est en construction. La troupe de visiteurs est plutôt importante. Je remarque des sacs de ciment Maple Leaf, petite piqûre de rappel canadienne. À quelques mètres à peine du bâtiment, des vieux chars russes qui rouillent sur place et des lances. Quand on voit la configuration de la vallée, on comprend tout de suite pourquoi les Russes ont eu du mal avec leurs grosses machines, leurs gros tanks et leurs gros hélicoptères.

On me présente alors les gens de la troisième voiture. Parmi eux le beau-frère de Massoud et un champion de Kick boxing. Je me dis mince, je viens de Braslou, France et je suis là ou fin fond du monde. J’ai tellement de chance de vivre tout ça. J’ai laissé un petit mot sur le livre d’or à côté de la tombe. De Braslou, France, à la vallée du Panshir.

Ils nous accueillent dans le jardin familial pour le déjeuner, il est trois heures de l’après-midi, je suis la seule fille sur peut-être 20 personnes. On nous sert du riz qui est cuit avec surement le meilleur bouillon cube de la planète, et ce que je pense être du mouton, ou en tous les cas, une viande très salée et qui ressemble à du bœuf bourguignon. Aussi comme on ne peut pas servir d’alcool, quand on a des invités on sert des canettes de sodas. Je suis aussi allée dans un restaurant avec Bachir pour son anniversaire. Récemment se sont produites des descentes de police. Pour écouler le vin qui reste, on le sert dans des théières. Petit relent de prohibition.

En dessert ce sera des fruits. Vous seriez étonné de voir le nombre de fruits et légumes qui sont produits et ensuite vendus sur les bords de routes. Des tomates, des concombres, des carottes, des melons, des pommes, des abricots orange et vert (ils ont le goût de melon!) des pastèques aussi grosses que des cuisses de coureur de sprint et gorgée de jus. On en fait d’ailleurs d’excellents vrais jus de fruits. Je mange une pomme, une de celles qui m’avaient fait venir ici.

Le jardin où nous mangeons est une plateforme juste sur le torrent, on y trouve des roses de toutes sortes de rose, des roses trémières et des arbrisseaux. Le débit de l’eau est impressionnant ! Tu tombes et s’en est finit de ta vie. Je ne peux pas m’empêcher de me dire que j’ai de la chance.

Il faut trois heures pour rentrer sur Kaboul. Malgré ça vers cinq heures on part en 4x4 dans une petite vallée qui monte et dont le torrent alimente celui principal. Le sentier est microscopique, bordé de maison d’un côté et du torrent de l’autre. C’est un coin idyllique, mais je ne vous raconte pas quand il y a deux voitures qui veulent passer alors que c’est assez grand pour une. Nous arrivons enfin près d’une plateforme herbeuse où l’on peut se poser et boire du maste, du yaourt, très liquide cette fois-ci, et où flotte de la menthe séchée. Entre vous et moi, j’ai bu ma tasse, mais je ne suis pas trop fan. Je baigne mes pieds dans l’eau. J’ai voulu faire la maligne à rester longtemps à trempouiller mes doigts de pied, mais l’eau est tellement froide que j’en ai mal. Mon tchador trempe dans l’eau, que diable, je l’enlève ! Soyons fous ! Après 30 minutes, on redescend et j’aperçois dans un muret en guise de brique : une carcasse d’obus rouillée ! 

Nous rejoignons la voiture et c’est le retour vers Kaboul, le soleil se couche, encore trois heures de route. Le soleil qui passe petit à petit derrière les montagnes, encore des images que je n’oublierai pas et que toutes les photos du monde ne peuvent retranscrire.

La lune est presque pleine, la nuit et noire sur la plaine, à peine dérangée par les lumières des commerces sur les bords de routes et dans les villages, la plupart des gens n’ont pas l’électricité, quelques enfants trainent, il est 19h30. Dans un bouchon avant un petit pont dans un village j’utilise mes dernières batteries pour les prendre en photos. Tout le monde est ravi.

Dans la plaine que nous avions passée à midi, les lumières blanches et criardes d’une immense ville, celle de la base de Bagram. La fameuse base américaine de Bagram où 50 000 soldats sont parqués, coupés du monde et de la réalité pour me mieux tirer sur des gens dont ils ne connaissent rien et dont ils apprennent à avoir peur.

Tout le monde est content de rentrer chez soi à 22h, après les derniers bouchons, pour une bonne nuit de sommeil.

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